Voie d’oxygénation alternative : les mammifères peuvent respirer via leurs intestins selon une étude

Par Hélène Proux

Des chercheurs affirment que les souris et les porcs sont capables d’oxygéner leur sang via le côlon – une capacité qui, si elle est partagée par les humains, pourrait être exploitée dans les hôpitaux pour minimiser le besoin de ventilation mécanique. Est-ce que cette nouvelle voie d’oxygénation sera utile dans la lutte contre les troubles respiratoires entraînés par le coronavirus ?

Une voie d’oxygénation alternative peut éviter la ventilation assistée chez des patients avec une insuffisance respiratoire

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Les ventilateurs, des machines qui forcent l’air dans les poumons, peuvent sauver la vie des patients qui ne peuvent pas respirer seuls en raison d’une blessure ou d’une maladie. Malheureusement, ils peuvent aussi causer des lésions pulmonaires à cause de la forte pression qu’ils exercent. De plus, le nombre de ventilateurs est parfois limité, ce qui peut être fatal pendant la pandémie de COVID-19.

Dans une étude publiée le 14 mai dans « Med », les chercheurs présentent une nouvelle voie d’oxygénation : par l’anus. Ils ont introduit de l’oxygène sous forme gazeuse ou liquide dans les intestins de souris et de porcs qui souffraient d’asphyxie ou de conditions de faible teneur en oxygène et ont constaté que les animaux survivaient beaucoup plus longtemps que ceux qui n’avaient pas été traités.

Takanori Takebe, affilié à l’hôpital pour enfants de Cincinnati, à l’Université médicale et dentaire de Tokyo et à l’Université de la ville de Yokohama, et son équipe ont fait quelques lectures et ont appris que de nombreux organismes – y compris les poissons comme les loches et les arthropodes – utilisent des organes comme la peau et les intestins pour acquérir de l’oxygène. Pour déterminer si les mammifères ont de telles capacités, ils ont commencé des tests avec des souris. Les animaux recevant de l’air hypoxique à travers leur trachée ont survécu en moyenne 18 minutes. Lorsque les chercheurs ont abrasé la muqueuse intestinale avec une brosse et puis ils ont introduit de l’oxygène gazeux, la plupart des rongeurs ont survécu pendant au moins 50 minutes.

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Ensuite, les chercheurs ont essayé une méthode plus réalisable que l’abrasion de la muqueuse intestinale et le pompage de gaz : l’introduction d’un liquide oxygéné connu sous le nom de perfluorocarbone à travers l’anus. Dans des études cliniques précédentes, des perfluorocarbures transportant de l’oxygène dissous ont été administrés directement dans les yeux et les vaisseaux sanguins humains, ainsi que dans les voies respiratoires pour réduire les lésions pulmonaires. Les chercheurs ont infusé soit du perfluorocarbone chargé d’oxygène, soit une solution saline dans le rectum des souris dans une chambre à faible teneur en oxygène. Les animaux qui ont reçu le liquide oxygéné ont montré des améliorations de la pression d’oxygène dans leur sang et étaient plus actifs après leur perfusion de perfluorocarbone que les souris qui ont reçu une solution saline.

Après, l’équipe a testé la stratégie du liquide oxygéné chez des porcs anesthésiés. Comme on sait, les derniers ont une physiologie proche à celle des humains. Les scientifiques ont utilisé un ventilateur seulement cinq ou six fois par minute pour induire une insuffisance respiratoire non létale, puis ont sauvé les porcs de l’hypoxie avec une administration semblable à un lavement de perfluorocarbone chargé d’oxygène et ils n’ont observé aucun effet secondaire évident.

système respiratoire chez l'humain

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Pour tester davantage la sécurité, les chercheurs ont fait des perfusions de perfluorocarbone dans les intestins de rats. Les rongeurs n’étaient pas déshydratés, n’ont pas présenté de diarrhée et les niveaux de marqueurs de toxicité pour les organes étaient identiques ou inférieurs à ceux observés dans le test avec la solution saline.

Sur la base de l’approbation préalable des perfluorocarbures par l’Agence américaine des denrées alimentaires et médicamenteux des États-Unis pour d’autres indications, «nous sommes très optimistes quant à l’innocuité [et] la tolérance dans les applications humaines», déclare Takebe. Lui et ses collègues forment une entreprise en démarrage pour mener d’autres analyses de sécurité préclinique et également évaluer davantage des modèles de maladies animales. Il dit qu’ils espèrent commencer des essais cliniques l’année prochaine mais avertit qu’il n’est pas encore clair si l’amélioration de l’oxygénation via cette méthode (la voie d’oxygénation alternative) serait utile chez les patients atteints de coronavirus. La COVID-19 ne cause pas seulement un problème d’oxygénation pulmonaire mais il existe de même un certain nombre de pathologies différentes impliquées», explique-t-il.

Référence : 

Med (2021) : “Mammalian enteral ventilation ameliorates respiratory failure”, R. Okabe et coll.

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