Sir David Adjaye parle franchement de sa relation avec l’architecture et l’art en général
Contenu de la page
- L’un des tout-premiers projets de David Adjaye- la maison Dirty Houses
- Quand l’artiste et l’architecte sont en symbiose parfaite, les résultats sont mirobolants !
- Collaboration entre Chris Ofili et David Adjaye – l’un des projets les plus ambitieux
- L’École de management Skolkovo de Moscou, Russie, imaginée par David Adjaye
- Le Studio Museum in Harlem, New York par David Adjaye
Comment l’architecture affecte-t-elle notre façon de créer et de percevoir l’art dans son ensemble ? – telle était la question essentielle lors de la deuxième édition de la Conférence Art & Architecture de la Frieze Academy à Londres. À cette occasion, l’architecte connu Sir David Adjaye, dont la vaste gamme de projets a longtemps été étroitement liée aux différentes formes d’art, discute de ses idées en la matière dans le cadre d’un dialogue avec Yesomi Umolu, commissaire d’exposition auprès de Reva and David Logan Center for the Arts de l’université de Chicago. De son enthousiasme précoce pour l’étude de l’art au musée Smithsonian à Washington D.C., l’ingénieur britannique célèbre partagera avec nous ses réflexions et sa compréhension profonde de l’équilibre entre les deux domaines créatifs.
«Franchement, mon intérêt pour l’art a commencé parce que j’étais un peu déçu par l’architecture», explique l’architecte britannique de renom Sir David Adjaye. En tant que jeune étudiant, il a eu l’impression que l’éducation en architecture «devenait très polémique étant axée sur les styles intellectuels». Cependant, dans l’art d’après-guerre, il a trouvé une certaine rigueur mélangée avec une dose d’humanité, exprimées par les expériences de différentes cultures de partout dans le monde. C’est cette fascination qui l’a amené à l’école d’art, où il s’est vite rendu compte qu’il ne s’intéressait pas tellement à la pratique réelle de l’art, mais plutôt à son contexte social.
Mais le parcours architectural inhabituel de Adjaye s’est véritablement manifesté en tant qu’étudiant à Royal College of Art au début des années 1990. «Grâce à l’ascension économique, une génération entière d’artistes a connu un développement majeur sur la scène mondiale. Ce phénomène a également influencé l’énergie des artistes à Londres vers la fin du XXe et le début du XXIe siècle», explique Sir David Adjaye. Et il ajoute : «En fait, ma carrière professionnelle ne s’est pas faite par le biais d’un parrainage, ce qui est généralement le cas de la plupart des architectes. Son essor-même s’est produit grâce aux artistes et aux relations nouées à travers l’Académie.
L’un des tout-premiers projets de David Adjaye- la maison Dirty Houses
Et ce sont bien les relations de David Adjaye avec des artistes émergents, qui tentaient tous à ce moment-là de se faire reconnaître sur la scène de Portbello Road (brocante et point focal touristique dans le quartier londonien riche de Notting Hill), qui ont généré ses premiers projets. Avec la première vague de découverte d’artistes et sa migration vers le quartier de l’Est de Londres Shoreditch, qu’il décrit comme «un espace de conflit», il a installé la base de son premier studio.
David Adjaye partage que lors de ses premières commandes, à savoir : «Dirty House» et «Elektra House» (dont les intérieurs vous pouvez admirer respectivement sur les deux photos ci-dessus), il ne voulait pas créer une image de gentrification (anglicisme pour «embourgeoisement urbain»). Mais en même temps il reconnaît que ses œuvres peuvent y avoir contribué. Son but était d’insuffler une réalité silencieuse dans les maisons, où l’atmosphère erratique des artistes pourrait être conservée, tout en restant cohérent avec l’environnement.
Ces premiers travaux lui ont permis de mieux interpréter les différents artistes, avec leurs instincts et expériences extrêmes, et de comprendre comment ils contredisaient l’efficacité de l’architecture telle qu’il l’avait étudiée auparavant. Des limites devaient être créées pour permettre à chacun des créatifs de séparer son travail du travail des autres et ainsi distinguer et respecter tous les aspects de sa propre vie. Ses premiers projets exigeaient des niveaux différents d’efforts et d’empathie, ainsi que des méthodologies très variées, et il est vite devenu évident pour David Adjaye que le but de l’architecture n’était pas qu’essayer de créer un bel espace.
Quand l’artiste et l’architecte sont en symbiose parfaite, les résultats sont mirobolants !
«All the world’s futures»- Okwui Enwezor et David Adjaye, Biennale de Venise, 2015
Dès ce moment-là, les relations de David Adjaye avec des artistes n’ont fait que des progrès, tout comme son cabinet d’architecture. «J’ai commencé à dire que ces bâtiments sont peut-être des contrepoints à ce type de façades ordinaires omniprésentes et qu’ils ont créé un répit dans le monde. En plus, elles ont également ouvert de nouvelles opportunités d’éclaircissement à l’intérieur», explique l’architecte-artiste. «C’est ainsi que ça a commencé, l’idée de créer un contrepoint de couches d’intimité – retraite et fantaisie au sein de la maison.»
La pratique de David Adjaye n’a jamais été commerciale, même lors de la transition de projets résidentiels vers des institutions. Pendant ce changement, il est resté fidèle aux mêmes processus de réflexion et à la même compréhension du champ pratique. Ainsi, avec chaque nouveau projet lui et son équipe exploraient de nouveaux concepts liés au domaine de l’art. En posant des questions telles que: «Comment construire de la résilience dans un contexte si fragile?» et «Comment en même temps permettre à la conception d’avoir une flexibilité créative importante et la qualité de classe mondiale que tout artiste veut accomplir? », son projet plus récent, «Rivington Place» à Shoreditch (présenté sur l’image ci-haut), est né. «Ces bâtiments englobent non seulement la génération d’un nouveau type d’espace, mais ils créent aussi de petites opportunités de modernisations variées», ajoute-t-il.
Collaboration entre Chris Ofili et David Adjaye – l’un des projets les plus ambitieux
À part de la liberté de la réalité offerte par les artistes, c’est aussi la possibilité d’observer au-delà des façades que David Adjaye savoure. Aucun projet ne reflète mieux cette notion que son travail avec Chris Ofili pour la Biennale d’Art de Venise 2015. «C’était probablement l’une des choses les plus ambitieuses que j’ai jamais faites pour un artiste», a déclaré Adjaye. «Chris a parlé de cette idée d’intégrer la trajectoire habituelle des mouvements des visiteurs dans la galerie-même. Il s’intéressait si nous pouvions vraiment situer ça dans l’espace, donc nous avons créé un dôme brisé qui descend en cascade. Son vrai effet se produit au moment où les gens entrent dans la galerie.»
David Adjaye explique qu’il y une lutte permanente de «réduire» l’architecture. «Le problème est qu’une fois que vos yeux se sont habitués aux détails et à leur signification, ils deviennent alertes et vous commencez à constater à quel point il est difficile de créer une bonne toile de fond», dit Adjaye, en comparant les deux professions. «Mais les yeux des artistes sont très bien adaptés- on essaye alors de continuellement créer de l’absence et en même temps de rester présent».
L’École de management Skolkovo de Moscou, Russie, imaginée par David Adjaye
La compréhension aiguë de David Adjaye des défauts de l’architecture a donné lieu à une approche réfléchie et méthodique, où la création en studio est faite de manière décisive et dans le but d’un impact important. C’est cette considération globale de chaque projet qui génère son succès, en commençant par les pensées individuelles de chaque client. Faute de perception philosophique de la prémisse du projet en question, le travail deviendrait plus que laborieux. Le problème-même devient le catalyseur de la création, ce qui, dans l’expérience de David Adjaye, fait ressortir le meilleur parti du travail.
Ces conceptions, développées dans tous les projets antérieurs de Adjaye, ont mené à l’objet de l’apogée de sa carrière jusqu’à présent – le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine (illustré ci-haut et ci-bas) qui, selon le top architecte «est un monument, un mémorial et un musée à la fois». Le bâtiment complète le plan directeur original de 200 ans de Washington DC et son centre commercial en particulier. Cependant, la structure ne repose que sur un quart du design prévu, ce qui signifie que son travail devait suivre une stratégie différente de celle des autres musées au sein de l’Institution Smithsonian.
Ce sont peut-être ces défis qui ont rehaussé l’attention que David Adjaye a porté à la nature particulière du projet. Il s’est donc mis à concevoir de manière opposée à la façon dont les musées standard sont planifiés (souvent souterrains et sans entrepôts). Le résultat du projet était unique et sa manière d’interagir avec les monuments de Washington l’était tout aussi bien. La structure pouvait fonctionner pas seulement comme un bâtiment traditionnel, mais également comme quelque chose qui oscille entre un objet d’art et une œuvre de l’architecture.
Le Studio Museum in Harlem, New York par David Adjaye
Grâce à la capacité de David Adjaye de libérer son esprit des restrictions du conventionnel, de même qu’à sa compréhension que le musée faisait partie d’une communauté nationale entière, la collection d’objets y exposés a vite passé de 3 000 à 35 000 provenant de dons et contributions divers. Cette connaissance culturelle et contextuelle est également présente dans un autre de ses derniers projets- le nouveau Studio Museim in Harlem, à New York. «Cette galerie renverse la notion de musée», explique Adjaye. «Le musée crée un sentiment de curiosité publique et s’engage à en subvenir complètement en t’invitant à son intérieur et en te sensibilisant sur de nombreux sujets historiques et pas seulement».
Outre le The Studio Museim in Harlem, David Adjaye et son équipe travaillent sur deux musées de l’art contemporain en Lettonie (visible sur les deux dernières photos) et au Texas – deux endroits très différents qui ont logiquement aboutis à deux designs qui n’ont rien à faire l’un avec l’autre. Alors que le premier est influencé par l’architecture domestique baltique, comme les maisons en bois simples qu’on peut trouver partout dans la région, ce dernier sera recouvert de panneaux de parement modernes en pourpre vibrant. Armé d’une gamme variée d’approches peu conventionnelles et d’une pratique globale fondée sur des recherches approfondies, Sir David Adjaye offre toujours des projets sans précédent qui incarnent la nature individuelle de l’art, le contexte culturel et l’esprit de la communauté.
Pour tout savoir sur David Adjaye et ses projets magnifiques, visitez son site officiel